Sénégal: des sociétés de manutention et de transport maritime, dont Maersk-Line, suspendues par le Trésor public
L’industrie mondiale du transport maritime est entrain de sombrer dans les eaux pandémiques du Covid19. L’impact d’un tel naufrage est ressenti jusqu’au port de Dakar. Car, une dizaine d’entreprises nationales de transit et de manutention ainsi que des compagnies multinationales de transport maritime dont le célèbre groupe danois Maersk-Line peinent à être en règle avec le Trésor public. D’où la suspension voire le « blocage » par ce dernier de leurs opérations de débarquement, de dédouanement et d’enlèvement de conteneurs à l’importation.
Bien évidemment, si le Trésor public en est arrivé à prendre cette mesure radicale, c’est parce que l’Etat a dramatiquement besoin de recettes pour financer son budget… Dans le cadre de ses investigations, « Le Témoin » a appris que ces transitaires, concessionnaires et commissionnaires agrées en douane sont privés de quitus fiscal et de crédit d’enlèvement puisqu’ils doivent plusieurs milliards de francs au Trésor public. Surtout au titre du crédit d’enlèvement qui permet aux armateurs et déclarants en douane de débarquer ou d’enlever leurs conteneurs au fur et à mesure des vérifications et avant paiement des droits et taxes.
Au 31 janvier de chaque année, rappelons-le, le Trésor public exige le renouvellement des crédits d’enlèvements pour les commissionnaires et concessionnaires ou armateurs maritimes. Cette démarche consiste à revoir si les opérations précédentes ont été effectuées dans les règles de l’art en termes de collecte des droits et taxes sur les déclarations en consommation directe et de respect des dispositions requises sur les régimes suspensifs.
En plus de cela, le Trésor vérifie et veille sur la régularité des règlements en Douane. Ainsi, tout retard de paiement, irrégularité, contentieux, fraude et manquement pourrait entraîner le blocage des activités de manutention et de dédouanement par le Trésor public. Par conséquent, il n’est pas étonnant que ça soit l’armateur qui subisse la rigueur de la loi parce que étant le dépositaire du manifeste, mais aussi le transitaire qui est tenu de respecter les procédures. D’ailleurs, c’est en vertu de cela que depuis le 31 janvier 2021, beaucoup de commissionnaires agréés en douane et autres armateurs font l’objet d’une suspension.
Certains ont pu régulariser leur situation, c’est le cas du groupe français CmaCgm qu’est leader mondial du transport maritime. Ce, contrairement à l’autre multinationale Maersk-Line qui subit toujours le « blocage ». D’ailleurs, c’est ce qui explique les milliers de containers en souffrance au port de Dakar. Cela entraîne bien sûr un retard sur paiement des droits et taxes.
Le cri de détresse des transitaires !
Le transitaire Baye Modou Lo, président de la Commission Douane et Trésor de l’Union Sénégalaise des Entreprises de Transit et Transport Agréées (Usetta), confirme les informations obtenues par « Le Témoin » avant de révéler que, depuis le 03 février 2021, des milliers de conteneurs sont bloqués au port de Dakar « parce que certains concessionnaires et transporteurs ne peuvent pas débarquer ces containers avant de les faire enlever du fait que leurs activités sont suspendues par le Trésor public » déplore-t-il.
« D’ailleurs, permettez moi de remercier le directeur général des Douanes, le colonel Abourahmane Dièye, pour avoir accompagné les transitaires dans cette crise qui frappe le transport maritime et le secteur du transit. Pour débloquer la situation, je lance un appel solennel au président de la République Macky Sall et au ministre de l’Economie et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo, afin qu’ils interviennent auprès du Trésor public pour plus de souplesse fiscale à l’endroit des armateurs et concessionnaires. Eux seuls peuvent débloquer cette situation qui paralyse le secteur du transit. Parce que la crise qui frappe le transport maritime impacte nos activités » explique Baye Modou Lo, transitaire et membre du bureau de l’Usetta. Il est vrai que si ces compagnies multinationales de transport maritime n’arrivent pas à régulariser leur situation fiscale avec le Trésor public, c’est parce qu’elles subissent des restrictions aux déplacements. Et les rares navires ou portes-containers qui viennent au Sénégal ne font que du service minimum sur la ligne commerciale Dakar-Guangzhou (Chine).
Pire encore, ces transporteurs sont confrontés à un perpétuel phénomène de déséquilibre entre conteneurs pleins et vides sur l’axe Chine-Afrique. « En Chine, il y a une pénurie de containers vides du fait de la baisse du trafic de la circulation des navires. Par exemple, la location d’un containeur vide de 40 pieds qui coûtait 800.000 cfa avant la pandémie est passée à 2 voire 3 millions cfa. Plus grave, le conteneur peut faire 90 jours soit 03 mois entre la Chine et Dakar au lieu de 40 jours en temps normal » regrette Mb. Diop, commerçant-importateur de marchandises en provenance de Chine mais établi rue Raffenel à Dakar.
C’est vrai qu’il y a une pénurie de conteneurs vides et une baisse de trafic maritime mais cela n’explique pas tout. Car l’envolée des prix de transport de la part de ces mêmes concessionnaires et armateurs tend à décourager les importateurs et commerçants sénégalais de faire des transactions vers la Chine et l’Europe. Donc le manque de conteneurs disponibles, couplé au très faible nombre de départs de navires et à la flambée du coût de transport a plombé le secteur import-export dans toutes ses composantes.
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